sociétés populaires de l'Ain

Les premières sociétés populaires voient le jour dans l'Ain en 1790. Au début de 1791, des sociétés populaires rattachées aux Jacobins de Paris (elles sont toutes les Sociétés des Amis de la Constitution) fleurissent dans le département sous l'impulsion de certains patriotes. La société de Bourg se dote de statuts et s'affilie aux Jacobins de Paris, en janvier 1791. La société populaire de Pont-de-Vaux s'affilie le 2 janvier 1791, celle de Trévoux le 24 mars et celle de Châtillon-sur-Chalaronne le 20 avril. La société de Meximieux adopte le règlement de la société populaire de Lyon.

La loi du 9 octobre 1791 sur les sociétés populaires, dictée par les Feuillants, cherche à dépolitiser les sociétés populaires suivant le principe que la Révolution est terminée et que leur rôle politique s'arrête aux acquis de la constitution. Acquises aux patriotes après la chute de Louis XVI, les sociétés populaires de l'Ain deviennent le thermomètre républicain du département. Dans l'Ain, chaque canton possède, au moins, à partir de l'été 1792, sa société populaire. Seules les villes de Bourg et Belley comptent, temporairement, en 1793, deux sociétés. La crise fédéraliste, qui oppose républicains modérés et ultra révolutionnaires durant l'été 1793, se fait bien ressentir dans les délibérations des sociétés populaires. Ces dernières acquièrent un rôle politique consultatif sans précédent. Elles deviennent des embryons de partis politiques. Le 13 juin 1793, la Convention prend un arrêté qui ordonne la mise en liberté des membres des sociétés populaires et comités de surveillance mis en état d'arrestation par les autorités constituées fédéralistes. De plus il stipule que les autorités constituées n'ont pas le droit de troubler les citoyens dans leur droit qu'ils ont de se réunir en sociétés populaires. A partir de l'hiver 1793, les sociétés populaires du département se réorganisent en société de sans-culottes.

En effet, si les administrations peuvent être suspectées de modérantisme, les sociétés populaires sont les réservoirs à patriotes éprouvés. Ce sont elles qui sont appelées par le représentant à fournir le nouveau personnel administratif, en cas d'épuration des autorités. Sur 48 personnes proposées à Albitte au début de pluviôse an II pour participer aux administrations réorganisées de Bourg, 46 sont des sans culottes. Caractérisées par un fort idéal de fraternité, les sociétés des sans-culottes de l'Ain forment le maillage politique du département. Les sans-culottes acquièrent la certitude qu'ils sont, par leur réunion en sociétés populaires, souverains et indispensables à une Convention qui n'est là que par leur volonté . En pluviôse an II, les sans-culottes se donnent une légitimité sur les autres citoyens et ne doutent pas de leur utilité dans l'échiquier politique : " les sociétés populaires ne doivent être composées que d'un petit nombre d'individus qui tous devaient être révolutionnaires " déclare le maire de Bourg Blanc-Désisles.

En thermidor an II, le nombre des sociétés populaires est dans l'Ain de 62 pour 462 communes. La société mère de Bourg compte entre 130 et 160 membres pour 6000 habitants. Ambronay compte 218 membres pour 1600 habitants, Lagnieu 218 membres pour 1700 habitants, Poncin 144 membres pour 1760 habitants, Saint-Jean-le-Vieux 113 membres pour 1264 habitants et Saint-Rambert 145 membres pour 2500 habitants. Beaucoup de ces sociétés populaires ont été fondées en 1793. Dans le district de Saint-Rambert, on compte le 1er germinal an II, 11 sociétés populaires. Le 25 vendémiaire an III, la Convention demande les noms des membres des sociétés populaires. Avec le déclin de l'activisme populaire au début de l'an III, les sociétés populaires sont peu à peu désertées. En brumaire an III, le représentant du peuple Boisset ordonne l'épuration de toutes les sociétés populaires du département.

Dans l'Ain, les sociétés des sans-culottes s'organisent de la même manière que les sociétés des jacobins en France. La société de Bourg agit comme une société mère, où les sociétés des chefs-lieux de district et de canton demandent à être affiliées. Après une enquête sur le patriotisme de celle-ci, l'affiliation est prononcée ou la société est épurée. A leur niveau, les sociétés des chefs-lieux, affilient celles des communes de leur arrondissement. Le règlement de la société de Bourg est commun à beaucoup de sociétés, avec quelques modifications éventuelles. Les sociétés populaires s'installent souvent dans les églises désaffectées. Afin d'instruire le peuple sur la politique et les lois, les sociétés populaires installent des tribunes ouvertes :"l'ignorance des peuples... a fait adopter (les prêtres) ; l'instruction et la vérité doivent les renverser " .

Même si les sociétés populaires ne sont pas instaurées par le Gouvernement, elles sont rapidement réglementées au niveau national par des lois et des décrets. Ainsi, le 12 mars 1793, la Convention décrète l'envoi du Bulletin de la Convention aux sociétés populaires. Le 9 brumaire an II, la Convention prend un décret qui interdit aux femmes de faire partie d'une société populaire et qui déclare publiques les séances de ces dernières. Le 6 fructidor an III, après un discours du député Mailhe, la Convention décrète la dissolution des sociétés populaires.

Les sociétés populaires sont durant la Révolution des éléments aussi importants à la vie quotidienne d'une commune ou d'un canton que le sont actuellement les partis politiques et les associations, dont elles sont les ancêtres. Le fait d'appartenir à une société est pour un citoyen de l'époque un gage de patriotisme et d'adhésion à la politique nationale. Leurs champs d'action sont très vastes : politique, subsistances, réquisitions, trafic, guerre, dons et aides aux pauvres. Leurs archives permettent d'appréhender la réalité populaire de la politique locale. Afin de compléter les recherches, on peut également consulter les archives du département et des districts (élection, personnel, police, subsistances, travaux publics), des représentants du peuple en mission et des comités de surveillance, dont plusieurs comités communaux avaient été d'abord des comités de sociétés populaires.